1 heure pour écrire sur les émotions

Il est 15h39, nous sommes le 7 juillet 2022.

Durant ces dernières semaines, dans ma vie, il a beaucoup été question de la thématique de la gestion des émotions, que ce soit dans les entretiens avec les sportifs, ou au cœur d’une formation organisée par le CDOS 74 (Comité Départemental Olympique et Sportif de Haute-Savoie). Et comme ce métier nous en apprend toujours et toujours, j’ai eu envie de créer cette minisérie d’articles : 1h pour écrire sur un sujet abordé en préparation mentale. Le thème des émotions me semble parfait pour entreprendre cette aventure ! Et tant pis si après relecture, tout semble imparfait ! Le plan se fera au fur et à mesure, et laissons de côté les termes « référencement naturel » et « Google »…

1 La fausse thématique de la gestion des émotions

« La gestion des émotions », voilà comment on appelle cette belle thématique. Et bien sûr, contrairement à ce que pourrait suggérer cette appellation, on y voit souvent le côté négatif. Comment faire disparaître ces émotions qui me limitent en tant que sportif ? Voilà où nous en sommes. Et j’en suis le premier attristé. À qui la faute ? Peut-être à certaines croyances affirmant que les sportifs, pour performer, ne devaient pas ressentir d’émotions. Aujourd’hui, ces croyances semblent un peu dépassées, mais on se trompe sûrement de problématique !

Une émotion nous différencie des robots, et j’ose croire que jamais une seule de ces créatures ne pourra intégrer une intelligence artificielle capable d’engendrer par exemple de la surprise. Ou alors, ironie du sort, il faudrait pouvoir programmer la surprise…

Une émotion donc, nous différencie des robots, et de certains animaux. Elles nous mettent en action, nous obligent à réagir, et ce, depuis des milliers d’années. Mais preuve fabuleuse et amusante que nous ne nous connaissons peut-être pas tant que ça en tant « qu’Hommes », il est communément admis par la communauté scientifique qu’on ne peut pas vraiment agir sur une émotion. Nos sens captent des milliards d’informations en permanence, et à un stimulus le corps peut répondre, réagir, très brièvement à certaines d’entre elles. La réaction est alors sans appel, très brève, avant tout physiologique, et dès lors que nous nous rendons compte que nous vivons une émotion, c’est qu’on n’est plus tout à fait « dedans ». Bienvenue dans le monde de l’après-émotion.

Cette thématique de la gestion des émotions est en réalité celle de la gestion de l’après-émotion. Encore faut-il en avoir conscience ! Si on vous ne l’a jamais dit, comment pouvez-vous le deviner ? Avez-vous déjà été surpris pendant 10 minutes ? Non ! Vous basculez dans un autre monde, un petit quelque chose de moins intense, entre l’émotion et l’humeur. La surprise peut laisser place à de l’étonnement mêlé à de l’amusement, ou du soulagement, ou bien d’autres possibilités encore.

Le premier message qu’il faut retenir à propos des émotions, c’est qu’elles sont en théorie ingérables ! Mais dès qu’elles sont passées, c’est une tout autre histoire ! Le second message, que je ne détaillerai pas ici, c’est qu’on peut relancer une émotion. Si vous faites quelques recherches sur Internet, vous tomberez sur une vidéo d’un bébé qui rit aux éclats dès que son père déchire une feuille. Le fou rire diminue, et puis le père déchire à nouveau le papier, ce qui relance le rire, et cela dure plusieurs minutes. Le troisième message à faire passer, c’est que dès notre plus jeune âge ou presque, nous sommes pourvus d’émotions de base.

Les émotions en préparation mentale

2 Les émotions de base selon Ekman

Le psychologue Paul Ekman est l’un des précurseurs dans la recherche sur les émotions. En 1971, il a mentionné 6 émotions de base, qui sont : tristesse, joie, colère, peur, dégoût, et surprise. Bien évidemment, cette liste a été élargie, et il est possible de combiner plusieurs émotions de base. La nostalgie, pour certaines personnes, peut évoquer la joie et la tristesse par exemple. Et puisque nous l’avons évoquée, la surprise peut être associée à la joie et la tristesse également, ou encore à la peur.

Lorsqu’on évoque ces émotions de base lors des formations, ou lors des séances de préparation mentale, j’entends souvent dire qu’il existe bien plus d’émotions négatives que positives. C’est vrai qu’au premier degré, sur cette liste de base, c’est la perception qu’on en a. Pourtant, ces émotions ont toutes une utilité. Les larmes permettent par exemple d’attirer les Autres pour nous réconforter, comme un système d’alarme social. Dans cette liste, la joie et éventuellement la surprise (sous certaines conditions) seraient-elles les deux seules émotions positives ? La colère donne de l’énergie, la tristesse permet parfois de créer, de donner vie à des œuvres magnifiques. Le dégoût nous protège.

Mais soyons honnêtes : la tristesse est destructrice la plupart du temps. Elle donne vie à des humeurs ou des sentiments intenses. Et il faut parfois laisser du temps. Dans un autre registre, plus gai, nous pouvons distinguer le sentiment amoureux, qui est une sorte de construction mentale, et l’émotion amoureuse. Vous la connaissez ! Ces battements de cœur, ces joues roses, ces pertes de moyens, et j’en passe. Même quand on est « sentimentalement » amoureux d’une personne, il arrive parfois qu’on retombe « émotionnellement » amoureux, dans un contexte précis. J’espère vraiment que vous vivez encore ces moments, que vous les cherchez même !

Les émotions de Ekman

3 Il y a de la joie !

Je me suis penché très vite sur les émotions, car j’ai longtemps eu l’impression de m’être fait avoir à la naissance. Je n’ai pas souvenir d’avoir eu plus de 4 ou 5 fous rires dans ma vie. Et autant dire qu’ils étaient plutôt discrets ! Pourquoi n’ai-je pas cette émotion de base ?

Suis-je malheureux ? Non ! Au pire, je passe pour quelqu’un d’ennuyeux, mais je suis loin d’être malheureux qu’on se le dise. Je suis plutôt d’humeur positive, j’ai souvent un grand sourire intérieur. Les plus « psys » d’entre vous diront que je dois refouler le fou rire quelque part, que je ne me l’autorise pas, que j’ai eu un traumatisme, ou je ne sais quoi d’autre. Je vous laisse à vos hypothèses, car ce n’est pas vraiment l’objet de cet article ! Ce qui est sûr, c’est que dans certaines circonstances, j’en tire un certain nombre d’avantages !

Les émotions m’ont donc toujours questionné. Mais pas seulement pour cette histoire de « joie » peu visible. Si on s’en tient vraiment à la définition d’une émotion, j’ai remarqué qu’on n’en vivait pas tant que ça au quotidien ! Et même parfois, il peut se passer des jours sans ressentir la moindre émotion. D’ailleurs, ce sont plutôt les humeurs qui nous embêtent ! Plutôt que d’être en colère, nous allons être agressifs, irritables. Pire que ça, le cerveau nous plonge dans des pensées noires, et nous y restons ! Par habitude ? Parce qu’on y est bien ? Rien de cela ? On devrait tous pouvoir en sortir, couper court à ce qui nous rend inquiets ou tristes par exemple. On apprend à utiliser quelques outils et techniques en préparation mentale justement !

Et pourtant, j’ai commencé par écrire que les émotions nous distinguaient des robots. Les émotions, celles qui nous font du bien, sont certainement celles que nous cherchons le plus dans notre vie. Mais à voir comment nous fonctionnons, j’ai parfois l’impression qu’on les cherche sans en être conscient. Sans savoir quoi chercher et où chercher. Vous passez votre vie professionnelle à fixer des objectifs… et à quel moment envisagez-vous de trouver ce subtil mélange de joie, de fierté, et d’excitation ? À quel moment vous mettrez-vous en quête de ces belles larmes de joie provoquées par un film qui vous happe ? Ah oui, il semblerait que la joie ne se manifeste pas uniquement dans les fous rires ! Souvent les émotions sont des constats. Comment serait votre vie si vous cherchiez à les provoquer (les plus belles, on est d’accord…) ? Attention, ce n’est pas l’émotion qu’on planifie, mais le terrain pour qu’elle s’exprime (si elle doit s’exprimer !).

fou rire d'un homme

4 Ce que nous cherchons le plus dans notre vie

Les émotions, souvent, balaient la raison. On a beau être d’accord avec les plus brillantes études, les statistiques, on a beau nous prouver par a+b que c’est comme ça que ça fonctionne, si une émotion nous prouve le contraire, nous choisirons le refus d’obstacle ! L’exemple qui est souvent pris est celui de l’avion. Oui, c’est probablement le moyen de voyager le plus sûr au monde. Mais comme on dit… « quand on le sent pas, on le sent pas ! »

Les émotions nous font vivre. Elles nous transportent. Elles nous apportent une dose d’énergie. Et plus que cela, elles nous permettent de mémoriser, d’avoir confiance en nous. Il est donc urgent de savoir à quoi nous aimons ressembler émotionnellement.

Lors des formations, on évoque souvent la fixation d’objectifs. N’importe qui peut fixer un objectif de type SMART par exemple. Est-ce pour autant efficace ? Alors on y ajoute la notion de sens, le truc bien à la mode dans les cours de management. Et cette question qui va avec : faut-il toujours donner du sens ? J’ai entendu tout et son contraire à ce sujet. Ce qui est sûr, c’est qu’apprendre le piano pour faire plaisir à son papa chéri ne remplacera jamais une motivation qui vient de très loin, à l’intérieur. Si j’apprends le piano pour moi, c’est mieux et plus efficace ! D’ailleurs, je reviendrai prochainement sur ces histoires d’objectifs, et ça fera le lien avec les émotions.

L’heure tourne et il me reste seulement quelques minutes. Prenez un moment, et réfléchissez bien. Qu’avez-vous vécu de fort et de positif aujourd’hui ? Hier ? La semaine dernière ? Qu’est-ce que vous ressentez quand vous avec vécu ces moments ? Posez vos propres mots : soulagement, fierté, sourire, dynamisme, étoiles, tout ce que vous voulez. Peut-être que vous aurez du mal au début, parce que vous ignorez que c’est pourtant ça qui vous fait vivre.

Les émotions en couleur

5 S’inspirer des réseaux sociaux ?

Savez-vous que les articles les plus partagés sur les réseaux sociaux font apparaître les émotions telles que la crainte ou la colère ? Vous les partagez, vous cliquez sur les petits pouces ou les icônes magiques. Pour autant, est-ce que ça vous fait bien ?

À l’inverse, vous rêvez (et moi aussi) devant des photos magnifiques sur Instagram. Mais ce n’est pas une émotion. L’émotion, c’est d’être dans la photo, c’est de vivre l’émotion en vrai. C’est toute la différence qu’il y a entre « j’ai vu en photo un paysage à couper le souffle », et « j’y suis allé, j’ai ressenti ce truc de fou ». Je suis le premier à m’inspirer de ce que je vois sur les réseaux sociaux. Mais il y a bien plus social qu’un réseau : il y a la vraie vie. Votre joie à vous. Vos bonnes surprises à vous. On a tendance à l’oublier, et à vivre par procuration.

Il est déjà l’heure, et j’aurais encore tant à écrire. Voilà comment tout va s’arrêter. Avec une question. Non, deux. Quelles sont les émotions qui vous font vivre ? Comment les vivre ? Et dans un coin de la tête, cette citation de Jack London : « la fonction propre de l’Homme est de vivre, non d’exister ».

Alors ?

Les réseaux sociaux et les émotions